Le choix d’un sujet de mémoire demeure votre privilège. D’autres personnes comme votre tuteur programme, un professeur approché pour la direction de votre mémoire, ou votre employeur, vos collègues peuvent vous faire des suggestions, mais il demeure de votre responsabilité de choisir votre sujet de recherche. Même dans le cas où vous vous associeriez à une équipe existante, vous devez faire valoir vos intérêts et préférences parmi les sujets possibles dans le programme de recherche en cours. En effet, les avantages de s’associer à une équipe peuvent éventuellement être neutralisés par un sujet qui ne réussit pas à vous motiver ou dont les caractéristiques répondent insuffisamment aux critères suivants [1].

CRITÈRES D’UN BON SUJET DE MÉMOIRE

On peut dire les choses suivantes d’un bon sujet :

  • Il vous intéresse suffisamment pour inspirer vos efforts pendant à peu près mille heures, soit l’équivalent de 25 semaines de 40 heures.Il correspond à quelque chose de faisable, de réalisable pendant la période réglementaire, avec les ressources dont vous disposez, autant en matière de disponibilité personnelle, temporelle et psychologique, de finances personnelles, d’accès à des ressources (par exemple celles d’une équipe de recherche ou à des infrastructures ou à du matériel) ou aux personnes dont vous aurez besoin pour le réaliser.

  • Il s’enracine dans une situation ou dans un problème réel : ou bien il s’inscrit dans une situation à améliorer, ou bien il s’attaque à une problématique reconnue dans les écrits savants, de préférence les deux. À cet égard, vous pouvez vous appuyer sur quelques textes : les parties théoriques des mémoires de maîtrise constituent une bonne source. Votre tuteur programme ou un autre professeur pourront vous faire des suggestions.

  • Il présente un potentiel d’originalité : il y a quelque chose à découvrir dans ce sujet, ce problème, cette question, cette situation. Même si la contribution à l’avancement des connaissances dans le domaine n’est pas une obligation pour un mémoire, comme elle l’est pour une thèse de doctorat, il serait bien dommage de n’avoir rien de nouveau à dire aux autres à propos de son sujet au bout de tant d’efforts.

  • Il vous est un peu familier, en ce sens que vous disposez déjà de connaissances sur ce sujet et sur les manières de l’approcher. Elles peuvent avoir été acquises dans vos cours ou autrement, dans votre expérience personnelle et professionnelle. Bien sûr, le mémoire vous amène à beaucoup approfondir ces connaissances sur le plan conceptuel et méthodologique. Cette connaissance initiale aura cependant le mérite de vous donner un sentiment de contrôler votre sujet et de ne pas être totalement dépendant des autres et vous évitera de consacrer pas mal de temps à vous faire une idée sur un sujet qui vous est étranger.

LES TYPES DE RECHERCHE ACCEPTÉS DANS LE MÉMOIRE

En principe, il n’existe aucune restriction sur le type de recherche que vous pouvez conduire pour votre projet de mémoire. Cela ne signifie pas que la question est sans intérêt. Vous avez peut-être approfondi ces questions dans le cours (EDU 6301) Méthodes de recherche en éducation, ou dans (EDU 6407) Séminaire de mémoire, ou encore vous en avez discuté ou en discuterez avec votre directeur de mémoire. Pour illustrer la largeur du champ qui s’ouvre devant vous, voici un abrégé de la classification des recherches en éducation proposée par Van der Maren [2], selon les enjeux de la recherche.

1. L’enjeu nomothétique : la production de nouvelles connaissances théoriques

But : produire de nouvelles connaissances théoriques, sous forme de lois, de théories, de modèles (c’est ce que traditionnellement on appelle la recherche fondamentale, les trois autres types d’enjeu donnent plutôt lieu à la recherche appliquée).

Formes : trois formes sont présentes, parfois combinées dans une même entreprise.

  • Les recherches spéculatives ou théoriques où le chercheur critique et analyse d’un point de vue rhétorique ou logique une théorie existante à partir de faits apportés par d’autres chercheurs.

  • Les recherches empiriques où le chercheur, après avoir construit une hypothèse à la suite de l’observation d’événements, tente de la vérifier expérimentalement et, le cas échéant, lui donne le statut d’une nouvelle théorie.

  • Les recherches monographiques, où le chercheur, à partir d’une théorie, analyse un cas réel pour y retrouver les régularités, les structures, les enchaînements ou même les causalités.

2. L’enjeu politique : la transformation des pratiques.

But : modifier les conduites éducatives des individus, des groupes et des organisations par le changement des valeurs, des besoins, en promouvant le bon et le vrai.

Formes : trois formes de recherches sont aussi possibles.

  • Les recherches évaluatives servent à justifier des décisions en comparant des situations, ici et ailleurs, avec ou sans la décision.

  • Les recherches actions visent à implanter un changement jugé favorable par une démarche évaluative en intervenant dans la situation selon un modèle conçu à l’avance (souvent participatif) et en corrigeant l’intervention à mesure qu’elle se déroule en fonction des effets qu’on observe.

  • Les recherches développement visent à créer en même temps une application pratique de connaissances théoriques, sous forme d’un produit, et un besoin de ce produit chez une clientèle.

3. L’enjeu pragmatique : la résolution fonctionnelle des problèmes pédagogiques.

But : trouver des solutions fonctionnelles à des problèmes pédagogiques.

Formes : les mêmes trois formes de recherches servent aux enjeux politiques et aux enjeux pragmatiques, avec la différence que dans le cas des enjeux politiques, l’accent est mis sur le pourquoi, alors que pour les enjeux pragmatiques, l’accent est mis sur le comment. On y retrouve souvent des projets où la recherche évaluative sert de phase initiale à une des deux autres.

  • La recherche évaluative, où le chercheur cherche à établir si un système donné réalise ses prétentions (c’est le champ du concept de la qualité totale), à quelles conditions, dans quels contextes, à quel coût, etc.

  • La recherche action fonctionnelle, à partir des résultats de la recherche évaluative, vise à produire des changements dans les conduites éducatives : les solutions doivent donc être négociées et leur implantation est « monitorée » et corrigée en cours de processus.

  • La recherche développement vise la production d’un outil ou d’un produit qui va combler l’écart décelé par une phase de recherche évaluative : les productions font l’objet de prototypes mis à l’essai et corrigés avant leur implantation.

4. L’enjeu ontologique : le perfectionnement du praticien.

But : assurer le développement professionnel du praticien-chercheur par une recherche sur sa pratique.

Formes : les trois formes de la recherche appliquée (évaluative, recherche action et recherche développement) sont aussi applicables à l’enjeu ontogénique.

  • La recherche évaluative sert essentiellement à légitimer scientifiquement les pratiques éducatives que le chercheur a élaborées dans son activité professionnelle, en les comparant à des pratiques traditionnelles.

  • L’innovation est une forme de recherche action qui permet au praticien de se développer au-delà d’une situation jugée bloquée, caractérisée par des pratiques déficientes. Quand elle poursuit cet enjeu ontologique, elle demeure marginale et isolée, sinon, elle devient réformiste et passe au niveau des enjeux politiques.

  • La pratique réflexive, l’apprentissage par l’action et la recherche heuristique sont trois types de recherche développement qui s’appliquent au praticien-chercheur qui fait de sa propre pratique son objet de recherche, et cherche à résoudre ses problèmes en élaborant ses propres outils ou habiletés professionnelles.

LES SOURCES DE SUJETS

Voici quelques sources qui peuvent vous aider à trouver ou à préciser un sujet pour votre mémoire.

  • Les revues spécialisées : une consultation rapide des titres et des résumés des articles publiés dans les numéros récents des revues spécialisées peuvent vous donner un aperçu des sujets de l’heure.

  • Les travaux des professeurs accrédités pour la direction de mémoire. Certains professeurs ont aussi un curriculum sur le site de la Télé-université, qui peut contenir, pour certaines personnes, des informations plus détaillées sur leurs travaux, une bibliographie de publications, etc. Vous pouvez même demander aux professeurs dont les intérêts convergent avec les vôtres de vous suggérer un ou deux de leurs textes les plus significatifs.

  • Certains textes font le point sur la recherche. Ils peuvent vous permettre de formuler votre sujet dans un contexte plus large.

  • Si vous avez l’occasion de connaître une équipe constituée, les descriptions des programmes de recherche (articles publiés, description pour demandes de subvention) ou une rencontre avec le directeur du programme ou un chercheur est aussi une source intéressante de sujets.

UN INSTRUMENT D’ÉVALUATION DU POTENTIEL DE SUJETS DE MÉMOIRE

Vous pouvez dès maintenant établir une liste de sujets ou de champs possibles et commencer à évaluer leur potentiel dans chacun des critères. Le tableau suivant pourra vous aider à organiser vos idées pour vous-même et en vue d’échanges avec votre tuteur programme, un professeur que vous voulez approcher ou d’autres personnes susceptibles de vous donner leur appui concret dans un éventuel projet : votre employeur, des collègues de travail, vos proches, etc.

Sujet ou champ Quel est le problème réel? Quel est mon intérêt personnel? Le projet que j’ai en tête est-il réalisable? Quel est le potentiel d’originalité? Quels sont mes acquis sur lesquels compter pour travailler sur ce sujet?
Sujet 1
Sujet 2
Sujet 3

Dans un premier temps, votre proposition de sujet doit faire l’objet d’échanges avec votre directeur de mémoire. Ces échanges vous amèneront probablement à préciser votre sujet et donneront lieu à plusieurs versions de la proposition. C’est la dernière, signée par vous, que vous devez expédier au Bureau du registraire avec votre inscription.


  1. [1] Cette section est une adaptation des travaux de Christian Bégin, de l’UQAM, qui a gracieusement accepté de mettre son travail à notre disposition.En voici les références exactes :
    1. C. Bégin (1998). Fiche pour l’étudiant : le choix du domaine de recherche, Montréal (Québec), Université du Québec à Montréal, Service d’aide à l’apprentissage.
    2. C. Bégin (1998). Fiche pour l’étudiant : le choix du sujet de recherche, deuxième édition, Montréal (Québec), Université du Québec à Montréal, Service d’aide à l’apprentissage.
  2. [2] J.M. Van der Maren (1996). Méthodes de recherche pour l’éducation, deuxième édition, Montréal (Québec), Presses de l’Université de Montréal, p. 66 et suivantes.

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